samedi 29 novembre 2008

Le Désastre de la RC4 (INDOCHINE, 1950)

L'Indo est l'une des périodes les moins abordées du Jeu d'Histoire avec figurines, et c'est bien dommage. C'est sans doute parce qu'elle n'intéresse ni les producteurs de figs et de règles anglo-saxons, ni la majorité de joueurs qui méconnaissent ce théâtre d'opérations, ou l'abordent avec réticence. Ce n'est pas le cas à Histoire et Sortilèges, et c'est heureux, grâce à l'enthousiasme d'Olivier, grand aficionado de la période et apôtre de la Main Tendue aux peuples anciennement exploités par l'oppression colonialiste.

On peut le remercier pour nous proposer tout ce qu'il faut pour passer une bonne soirée: règles, figurines peintes, décors magnifiques et variés. Le vendredi 28 novembre, nous avons ainsi reconstitué un épisode douloureux pour l'armée française: le désastre de la RC4.

Quelques mots sur la règle: il s'agit de "Grenadier-voltigeur", une règle de combat d'escarmouche pour figurines au 20-28mm. Ses principes sont simples et efficaces pour des parties rapides et sans prise de tête: activation de chaque camp par un jet de dés spéciaux (chaque face représentant une action possible: mouvement, mouvement et tir, lancer de grenade, tir indirect, mouvement de véhicule), puis tables des tirs (résolue par des jets de dés 6 dépendant de la classe et de la situation du tireur, ainsi que de la position de la cible), et enfin caractéristiques des véhicules. Le tout tient en 6 pages, tableaux compris.

Normalement la règle devrait être bientôt en ligne sur le site d'Histoire et Sortilèges.

Et maintenant les choses sérieuses: le scénario et la BATAILLE!!

Les Joueurs en présence:
-Les (infâmes) colonialistes: Renaud et Guigui.


... désolé, Guigui ne voulait pas regarder l'objectif...

Voilà en tout cas quel était leur état d'esprit...


-Les défenseurs de la Grande-Cause-Prolétarienne-de Libération-de-Notre-Peuple-qui-vaincra: le gang des profs d'Histoire encartés, j'ai nommé Yvan et Bibi:

...qu'est-ce qu'on a l'air content...il faut dire qu'on prépare la voie vers le "Paradis des Travailleurs"

Restons sérieux...
Contexte historique:
La Route Coloniale 4 (ou RC4) a une importance stratégique en Indochine. Située tout au Nord du Pays, au Tonkin, et longeant la frontière chinoise, cette route reliait Lao Kay à Monkay, et assurait le ravitaillement les places fortes de Lang Son, Dong Khê, et Cao Bang. Elle permettait également les liaisons avec Hanoi, via la RC1.


Depuis le début de la Guerre d'Indochine en 1946, des accrochages et des embuscades ont eu lieu le long de la route, mais les places fortes françaises se maintenaient.
La situation stratégique change complètement en 1949: la chute de la Chine de Tchang- Kaï-Chek et l'arrivée au pouvoir des communistes de Mao créent une situation dangereuse pour les postes français le long de la frontière sino-vietnamienne. Les insurgés Viet-Minh disposent désormais de bases arrières et d'un ravitaillement abondant.

Gloire à la Grande Cause Prolétarienne internationale!


Dès lors, l'état-major français se résout à préconiser l'évacuation de Cao Bang et des postes intermédiaires de la RC4 jugés inutiles, exposés et dont le ravitaillement épuise le corps expéditionnaire. Mais, sur place, le commandement hésite à ordonner un difficile déplacement qui entamerait le prestige de l'armée française auprès des populations indigènes. L'évacuation est reportée plusieurs fois. La presse française s'en mêle et discute ouvertement des plans de retrait, ce qui donne le temps et les moyens au commandement Viet-Minh de préparer un piège.
En septembre 1950, soit près d'un an après que l'état-major ait décidé d'évacuer les postes de la RC4, le retrait commence. Les conditions sont très mauvaises. Les Viet-Minh sont passés à l'offensive et disposent pour la première fois d'une artillerie efficace. Ils prennent Dong-Khê. Dès lors, les Français sont condamnés à suivre la route. Sous le commandement du colonel Lepage, une colonne mêlant Tabors marocains et Légionnaires fuit, ralentie par l'encombrement et par les civils. La situation prend des airs d'Exode, la végétation tropicale en plus...


Scénario:
Le terrain fait 180 par 120 cm et comporte une piste entourée par des collines.


Une colonne française de tirailleurs marocains (vétérans) s'efforce de traverser la table. dans la longueur.


Elle est composée de 2 camions, un Half-track, un char M24 Chaffee et d'une douzaine de fantassins (dont un avec FM).



A partir du 3e tour, elle peut recevoir les renforts des parachutistes (élite) du 1er BEP (bataillon étranger de parachutistes) qui viennent de sauter sur That-Khé. Les paras se déploient à l'autre bout de la table.


Mais des insurgés Viet-Minh se tiennent en embuscade: d'abord 14 "pyjamas noirs" (Pathet-Lao) (conscrits).


Ensuite 16 réguliers Viet-Minhs (vétérans), une mitrailleuse lourde, un mortier, et une équipe de 5 démolisseurs de chars.




Le principe du scénario: pour gagner, les Français doivent faire sortir au moins un camion par la route, en traversant toute la table dans sa longueur. A cette condition s'ajoute celle qu'au moins deux fantassins doivent accompagner un camion pour que celui sorte en toute sécurité. Pour les Viets, il s'agit de détruire les camions ennemis.

Quels furent les plans en présence?
Je ne dirais que quelques mots des défenseurs de l'Empire français: leur objectif était d'avancer sur la piste tout en envoyant une section sur leur gauche pour nettoyer les fourrés.


Du côté des Vaillants-Soldats-de-la-Cause-prolétarienne-dans-le-sens-de-l'Histoire, le principe était double (car le Président Mao l'a dit "Les communistes doivent marcher sur deux jambes" (sic)):
-constituer deux bouchons: l'un avec les conscrits le plus près du point de départ, et le deuxième à la sortie de la piste avec les vétérans Viet-Minh.
-pratiquer la démoralisation de l'ennemi par une mise en doute constante de ses mouvements, de ses jets de dés et de la justesse de sa cause en général (désolé, c'est ça le roleplay...).

Et les résultats?
Conformes à la réalité historique et au plan Viet.

Les Français ont perdu du temps lors des premiers accrochages avec les pyjamas noirs.



Ceux-ci ont accumulé les jets de dés foireux (accentuant le côté "propagande", vous vous en doutez). Néanmoins, sacrifiant leurs vies, les Pathet-Lao ont réussi à faire sauter un Half-track et un camion au 3e et 4e tours.


Au 3e tour, les Français reprirent espoir: ils avaient presque complètement annihilé les Pyjamas noirs qui les harcelaient et les renforts parachutistes apparaissent à l'autre bout de la piste.



Cela obligea les Viet-Minhs d'Yvan à sortir de leur planque et à avancer vers les paras.


Mal leur en prit, car le M24 les aligna à coup de canon de 75mm et de mitrailleuse.


Le doute s'empara des Vaillant-Libérateurs-de-notre-Peuple lorsque un porteur de charge explosive rata son test de mise à feu et demeura en plein milieu de la piste... devant le char.



La situation se retourna à nouveau lorsque des tirs de mortier chanceux parvinrent à éliminer plusieurs paras. Un à un, les biffins français rendaient l'âme.






Lorsque le dernier camion explosa sous l'impact d'une mine magnétique, le moral des Français ne s'en remit pas. Les Viets étaient décidément les plus nombreux.





Épilogue: tous les fantassins français sans exception furent massacrés. Au 8e et dernier tour, seul le Chaffee restait intact...

GLOIRE AUX DÉFENSEURS DU VIETNAM LIBRE ET DÉMOCRATIQUE!




2 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci Michel !

La règle d'origine se trouve décrite sur ce forum :
http://jeudhistoire.free.fr/viewtopic.php?t=2261

Merci à son concepteur !

Et Gloire à Hô Chi Minh...

Anonyme a dit…

Belle fresque d'une période historique que je connais peu où de vilains capitalistes tentaient encore de contenir les libérateurs du peuple !

Ce mélange de documents d'époque et de photos rend ton article très intéressant.

J'éspère pouvoir me libérer un vendredi soir pour jouer ce genre de scénario !